Publié dans Vie de maman en construction

Vivre la perte de son animal quand on a des enfants

A vrai dire, je ne savais pas quel titre mettre. Avec tout ce que je voulais faire comprendre, il aurait fallu un titre de 3 phrases en mode cinéma français d’auteur mais j’ai décidé de faire simple… Ce que je veux dire c’est comment gérer la perte d’un animal qu’on a eu avant d’avoir des enfants et qui représente tant de choses de notre « moi » d’avant, la personne que l’on était avant eux.

Isis et moi

J’ai déjà fait un article sur elle. J’ai souvent parlé d’elle sur Instagram, en story, en post, et pourtant je ne suis pas sûre d’avoir réussi à vous communiquer la place qu’elle avait dans ma vie.

Pour replanter le décor, à 17 ans j’étais en couple depuis 2 ans avec mon petit copain et je passais quasiment tous mes week-ends chez lui, sa famille étant devenu un peu ma deuxième famille. Je ne m’étendrai pas là dessus ça n’a pas d’importante avec le sujet.

Un jour une petite chatte est arrivée chez eux. A force de camper dans le jardin en miaulant elle a obtenu des caresses, de la nourriture, et bientôt un passage chez le vétérinaire pour voir si elle n’appartenait à personne. Pas de tatouage ni de puce, elle a donc été adopté et une stérilisation programmée pour le mois d’après. Sauf qu’entre temps, nous nous sommes aperçus qu’elle attendait des petits. J’étais en week-end sur l’île de Jersey avec mon copain et mes parents le jour où les petits sont nés. On ne les a rencontré que deux jours plus tard.

Là, 4 chatons assez costauds et plein de vigueur. Puis un dernier, tout chétif. Au bout d’une heure je remarque qu’à chacune de ses tentatives de téter, il se fait violement rejeter par sa mère et par les autres chatons. Le soir, il est clair dans ma tête que si on ne fait rien, il mourra. Je me rappelle avoir tellement supplié les parents de mon copain, promis de payer un éventuel traitement avec les sous gagnés lors de mon job d’été…qu’ils ont cédé. Le vétérinaire nous a donné des solutions à mélanger et un genre de biberon, disant qu’il avait peu de chances de survie. Je ne vais pas tout raconter mais c’est ainsi que j’ai commencer à le nourrir et prendre soin de lui. La semaine, la grande sœur de mon copain s’en occupait et le week end à peine avais-je passé le pas de la porte que je voyais cette petite boule de poils courir vers moi. Un vendredi soir je me souviens qu’il s’est mis sur mes pieds et s’est endormi dans la seconde.

Les chatons ont grandi, lui aussi. Au bout d’1 mois, le « mien » s’est mis à manger la pâté de sa mère, sûrement par nécessité vu qu’il n’avait pas d’accès illimité au lait comme ses frères et sœurs (la sœur de mon copain allait à la fac donc n’était pas dispo tout le temps). Quand je venais le week-end, je voyais à quel point les autres chatons le martyrisaient ça faisait de la peine. Ils lui sautaient dessus, lui mordaient les oreilles jusqu’au sang. Entre eux on voyait bien que c’était par jeu, mais avec lui c’était différent, ils étaient vraiment violents.

Je n’avais pas prévu d’adopter un chat, mes parents encore moins. Mais autant vous dire que vu la relation qui s’était nouée entre nous, il m’était impossible de lâcher ce chaton à des inconnus. Cela a été l’objet de nombreuses disputes très fortes avec mes parents et même mes grands-parents. Puis finalement…à ses 2 mois j’ai débarqué avec une cage de transport, je lui ai ouvert la porte…et il est rentré direct dedans, s’est couché, comme pour dire « on se barre ». J’ai montré la cage à sa mère, elle a craché dans sa direction et je me suis dis que ne n’aurais aucun regrets. Et en effet.

Arrivés chez mes parents, j’ai posé la cage de transport. Le chaton est sorti, je m’attendais à ce qu’il inspecte de fond en comble comme le font tous les chats. Non, il a « humé » l’air, est allé dans ma chambre, s’est posé sur mon oreiller, et s’est endormi. Je sais ça peut paraître très bisounours comme histoire, mais c’est ainsi. Il se sentait enfin en confiance.

Notre relation

Elle est un peu devenue comme mon premier bébé. Elle me suivait partout, dormait entre mes jambes ou dans mes bras (oui parce qu’on s’est vite rendus compte que c’était une femelle). A chaque déménagement que j’ai fait (chez mon ex copain, puis avec mon chéri actuel), elle a suivi partout, avec une grande capacité d’adaptation. Par contre il y avait une vraie exclusivité. Les personnes qui venaient à la maison la comparaient à un chien. Elle ne suivait que moi, ne se laissait câliner que par moi. Même contre de la nourriture, rien n’y faisait, elle était mon ombre. Une anecdote « rigolote » qui m’avait marqué, c’est le jour où mon ex copain (donc qu’elle connaissait parfaitement vu qu’elle venait de chez lui….c’était la seule autre personne qui pouvait la caresser, même mes parents n’y arrivaient pas encore à cette époque) m’a quitté pour une autre. Je pleurais toutes les larmes de mon corps pendant qu’il me disait des banalités genre « c’est pas ta fauta blabla », la chatte sur mes genoux. Lorsqu’il est parti dans le couloir pour s’en aller, elle l’a suivi et lui a craché dessus, les poils hérissés. Je ne saurai jamais si c’était une coïncidence ou si elle avait réellement senti qu’il m’avait fait du mal et voulait me défendre. (en dessous une photo avec moi enceinte de fiston)

Avec mes enfants

Quand fiston est arrivé, j’avoue que j’avais un peu peur, connaissant son exclusivité avec moi. Mais elle le regardait de loin. Quand il s’est mis à ramper, à marcher et à l’embêter, elle s’en allait, ne s’en préoccupant pas vraiment. Puis au bout d’un moment avec l’arrivée de Ptitdeuz je crois qu’elle a compris qu’il n’y avait rien à faire :p. Alors elle se laissait un peu câliner, tripoter, parfois tirer la queue malgré mes remontrances aux enfants. Parfois elle crachait pour leur montrer son désaccord, et parfois elle les a « tapé » avec la pate, sans jamais sortir les griffes, j’avoue que ça m’a toujours impressionné. Ils l’ont tous deux connus dès leur naissance vu qu’elle était à la maison…donc pour eux la vie était avec Isis.

Puis son départ…

Bien sûr qu’au bout de 17 ans de vie je savais qu’il ne nous restait que quelques années. Mais elle était tellement en forme, jouait, avait des moments de folie où elle courrait partout. Je ne m’attendais pas à ce qu’en 2 semaines tout parte en fumée. Je suis restée avec elle jusqu’au bout. Elle se blottissait comme un bébé dans les bras les derniers jours, ne bougeait plus. Je n’ai pas envie de m’étendre sur les détails bien sûr. Quand j’ai compris à ses yeux qu’elle était partie, cette nuit du 24 février, mon cœur s’est brisé. Je pleurais déjà depuis des jours, sachant ce qui allait arriver, mais là c’était un hoquet incontrôlé. Le pire c’est que quelque part j’était soulagée. J’avais tellement peur qu’on en arrive au point où elle souffrirait tant que je devrais aller la faire piquer…

Bien sûr certains, je le sais, diront que ce n’est qu’un animal. Pardon mais aucune amie n’a été avec moi H24 ces 17 dernières années. Personne ne me suivais partout du matin jusqu’au soir (bon même si avec les enfants du coup on était parfois 4 dans les toilettes, chat compris 🙂 ). Avec elle s’est envolée l’enfant que j’était, l’adolescente. Même si je n’ai pas envie d’expliquer en quoi (car c’est très concret mais je n’ai aucune envie qu’on puisse juger les choses qui ce sont passées depuis), mais sa mort a changé énormément de choses en moi. Avec elle se sont envolées des périodes magiques comme des périodes terribles de ma vie sur lesquelles je n’arrivais pas à tourner la page.

L’annonce aux enfants

On leur a annoncé au matin qu’elle était morte. Je n’ai jamais aimé mettre de fioritures dans ces annonces je préfère que ce soit cash. Ils ont pleuré, surtout fiston, on a fait un énorme câlin tous ensemble. Puis on leur a proposé de la voir dans sa boîte si ils le désiraient mais que ce n’était pas du tout obligatoire. Ils ont voulu la voir, l’ont même caressé, et directement sans se concerter, ils sont allé lui faire un dessin pour mettre dans la boîte. ça m’a énormément touché que ça viennent d’eux, spontanément.

Le jour même nous avons retrouvé mes parents dans la maison de campagne de ma grand-mère pour l’enterrer. Chacun a voulu dire quelques mots, assister à l’enterrement. Fiston a dit qu’il était content qu’elle soit enterré là, comme ça il pourrait venir lui parler souvent. Il y a eu des rituels qui sont venus d’eux, comme mettre des fleurs, lui dire aurevoir en repartant….Au midi nous avons déjeuné avec mes parents dans un fast-food avec une structure et, c’est tout bête, mais je sais que ça les a aidé à ne pas voir cette journée comme « la journée noire », au contraire elle est sortie du lot. Le soir nous avons tous ensemble regardé des photos d’elle, notamment quand elle était toute petite et qu’ils ne la connaissaient pas. On a évoqué ce qu’elle représentait, des souvenirs, des anecdotes. Je suis sûre que ça a fait énormément de bien.

Les premiers temps fiston pleurait souvent. Maintenant environ une fois par semaine il évoque le manque, parle des bêtises qu’elle faisait en riant, et réclame un nouveau chat.

Pour Ptitdeuz qui n’avait que 3 ans à ce moment-là, évidemment on sentait que c’était un peu plus abstrait même si il semble bien avoir intégré qu’elle ne reviendrait pas. Il y a peu de temps, alors que fiston disait qu’elle lui manquait, Ptitdeuz a dit « moi elle me manque pas tu sais, parce qu’elle est là ». J’ai demandé ce qu’il voulait dire. « Je pense à elle, donc elle est là, donc je suis pas triste ». Je ne sais pas si il avait entendu ça quelque part mais cette phrase si profonde et pleine de maturité m’a un peu sidéré. Bref tout ça pour vous dire que ça va pour eux.

Moi

Le plus dur a bien entendu été pour ma pomme. J’avais beau y penser depuis longtemps, j’ai compris qu’on ne se prépare jamais réellement. J’ai déjà perdu des proches notamment mon grand-père que je voyais quasiment tous les jours et avec qui j’avais une forte complicité mais à l’époque j’avais fait un genre de déni. J’ai peu pleuré et je ne me souviens quasiment de rien. Ma mère m’a bien confirmé que j’ai lu un texte à l’église mais je n’en ai aucun souvenir. Il y a genre une semaine de vide total. Je sais par cette « absence » que j’ai souffert de son décès mais là avec Isis c’était la première douleur physique. Mon cerveau ne pouvait pas se mettre sur pause, j’avais les enfants…

Quand j’envisageais sa mort avant, c’était presque ce qui me faisait le plus peur. Comment gérer la douleur des enfants en même temps que la mienne ? Comment peuvent-ils comprendre ce qui se jouait avec cette partie de ma vie qui s’en allait ? Une partie, finalement, où eux avaient tenu un rôle minime. C’est mon moi adolescent et jeune adulte qui est parti ce jour-là. Je leur ai expliqué en fait. Ce qu’elle représentait pour moi. Sans tenter d’enjoliver, de minimiser par peur qu’ils ne comprennent pas. Et ils ont compris. Fiston m’a dit que j’avais eu de la chance de vivre ça avec elle. Il a tellement raison.

Les derniers jours avant sa mort j’en ai parlé en story sur instagram et un message est revenu plusieurs fois et m’a choqué. En substance c’était « sèche tes larmes. C’est normal d’être triste mais tu dois être forte pour tes enfants ». J’ai trouvé ça d’une part hyper dur parce que ça implique qu’on doive nier nos émotions pour donner une image fausse à nos enfants, et c’est nier que oui bordel un décès qu’il soit humain ou animal, selon la relation que l’on a, ça fait énormément souffrir. Et leur faire croire que je suis forte ne rendra pas leurs futurs expériences de la mort moins douloureuses. Bien au contraire je suis persuadé que voir nos parents vivre les choses, ne pas nier, est essentiel, mais ce n’est que mon avis. Pour ma part j’ai toujours vu ma mère cacher ses émotions sur plein de sujets. Le jour où mon grand-père est décédé j’avais 17 ans et j’ai jugé l’effondrement de ma mère presque indécent. En vérité c’était parce qu’elle m’avait toujours renvoyé une image forte, voir froide. Et moi à côté je ne comprenais pas pourquoi j’avais des sentiments si forts qui voulaient sortir alors que ma mère n’avait jamais vécu ça. De leur côté mes enfants savent qu’un adulte ça pleure, qu’un adulte ça doute, que ça peut être très triste, comme eux et comme l’adulte qu’ils seront.

La veille de son départ…..(photo ci dessous)

Je suis consciente du caractère très fouillis (et long) de cet article mais soyons honnêtes il est davantage pour moi que pour vous. Et si cela peut aider quelqu’un qui vit cela et ne sais pas comment faire pour gérer sa douleur et celle de ses enfants ce sera une bonne chose. Car le mot de la fin c’est qu’en fait il n’y a rien a gérer. Il faut accepter qu’ils vivent les choses, nous aussi. Et si vraiment cela dure dans le temps de manière très douloureuse il ne faut jamais hésiter à consulter par exemple un pédopsychiatre. Tout comme nous, il y a des choses que les enfants n’arriveront jamais à extérioriser à leurs parents.

Maman en chantier

5 commentaires sur « Vivre la perte de son animal quand on a des enfants »

  1. Ce n’est pas facile surtout avec les enfants.
    Nous avons dû faire piquer notre chat de 15 ans, notre fils avait 10 ans à l’époque et il a vite compris pourquoi on le faisait. Il a été triste un temps.
    Nous ne voulions pas d’autre chat.
    Mais en septembre (2 mois après le décès de Fripouille), le début du collège a été difficile pour mon fils. Il a été harcelé.
    En allant chez une copine, j’ai vu le chaton qu’elle venait d’avoir.
    Un mms à mon homme avec le chaton puis une discussion sur où ma copine avait trouvé le chaton, le soir même, j’appelle ma copine pour lui dire que s’il reste un chaton, on le prend.
    Le surlendemain, Flocon a été offert à notre fils!
    C’est son chat, pas le nôtre ! Ce n’est pas la même relation qu’avec Fripouille. Il a choisi son nom, s’occupe (un peu) de le nourrir…..
    3 ans après, j’ai Shifu que j’ai adopté auprès d’un collègue (grossesse surprise de sa chatte!).
    On reparle encore de Fripouille quand on regarde nos chats : il aurait fait ci, il n’aurait pas réagit comme ça…….
    Même parti, il est toujours dans nos conversation et c’est moins difficile lorsqu’on en parle.

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  2. Isis a vécu tous les événements de la moitié de ta vie, quand on connaît leur capacité à aimer et vivre leur liberté, elle a su se sentir bien avec toi pour te suivre autant alors tu as le droit d’être triste, c’est le temps qui t’aidera… merci pour ce très bel article, c’est important de poser les mots pour apaiser tes maux. La brutalité de son départ c’est un choc, une incompréhension pour toi c’est normal c’est la moitié de ta vie cette complicité et c’est une magnifique histoire que personne ne peut te voler. Merci pour ce partage si émouvant.

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    1. Merci pour ce message ça me touche c’est tout à fait ça. C’est la période de ma construction d’adulte, ce sont des épisodes terribles auxquels elle a assisté alors que je n’en ai parlé à personne…enfin voilà. Merci en tout cas 💖

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  3. Coucou Sonia,
    J’ai lu hier soir ton article via Instagram et j’ai rêvé d’Isis et toi cette nuit… Je comprends mieux à présent ce qu’elle représentait pour toi et la relation absolument incroyable que vous aviez toutes les deux. Vous avez eu beaucoup de chance de vous rencontrer, vous étiez faites l’une pour l’autre.
    J’espère que tu vas un peu mieux à présent.
    Je t’embrasse

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