Publié dans Vie de maman en construction

Ces clients que je n’oublierai pas…

Nous voilà partis pour un article qui sort totalement de mes thèmes habituels. J’ai envie de l’écrire avant d’oublier pourquoi ces gens sont si particuliers pour moi au quotidien et pourquoi ils m’aident à tenir la distance. Un pavé qui parlera surement à peu de monde mais qui me permettra de me souvenir de ce qui fait qu’ils sortent du lot.

Je ne vais pas me répéter trop mais pour la piqûre de rappel (surtout que vous êtes de nombreux nouveaux depuis février) je suis journaliste de formation mais actuellement vendeuse en épicerie fine. Un job alimentaire, et encore vu ce que ça me rapporte. En gros en tant que journaliste je devais inévitablement avoir des horaires bien plus délicates pour fiston, et pas un assez gros salaire pour compenser avec une nounou qui aurait été plus flexible sur les horaires. Donc il a fallu faire un choix que j’explique ici pour qui ça intéresse. Et surtout j’avais la bougeotte, ce que j’ai regretté après mais ça c’est une autre histoire…

Toujours est-il que si je me suis découvert un don assez naturel pour la vente et le contact client (j’ai souvent du mal à parler de mes qualités mais là il faut dire ce qui est, au bout d’un moment j’ai eu assez de remontée pour pouvoir me vanter un peu), ce n’est quand même pas mon domaine de prédilection. Je ne m’éclate donc pas au quotidien et la lassitude se fait sentir. Mais, au milieu de ces jours sans fin, il y a ces personnes, ces relations que je n’aurais jamais imaginé nouer avec un simple boulot comme ça.

Mon petit papy

Je l’appelle comme ça parce que je ne connais pas son nom. Je me souviendrais toujours, il est venu la première fois il y a 1 an. Sec, froid, autoritaire et ne sachant pas se décider. Je n’avais qu’une hâte, qu’il parte…mais je l’ai évidemment conseillé comme il se doit et souris chaleureusement. Il est reparti avec ses produits en me notifiant clairement que si ce que je lui avait vendu ne lui convenait pas il ne reviendrait pas. Je me suis dis et ben bon débarras. Sauf qu’il est revenu. Tout sourire. Me félicitant pour la manière dont j’avais capté ses goûts. Alors il m’a redemandé une sélection, sans goûter, juste en me faisant confiance. Puis il a fini par venir juste me dire bonjour, puis acheter pour toute sa famille.

Maintenant il passe presque tous les matins (pas pour moi spécialement hein il fait ses autres courses et s’arrête en passant devant la boutique), me raconte un peu sa vie, sa fille, sa petit-fille, elles ont adoré le vinaigre que je lui ai vendu, puis cette huile. Il fait des blagues. Et depuis peu, j’appellerai ça presque une consécration lol, il ne vient acheter que si je suis là. J’ai été absente une semaine il y a peu alors dès mon retour il m’a demandé si tout allait bien, qu’il s’inquiétait. Alors non il ne veut pas de carte de fidélité, juste ce moment d’échange et savoir que quelqu’un saura toujours le conseiller.

Ma petite mamy

Il y a aussi le pendant féminin de mon petit papy. Une dame avec un accent de l’est. Pareil un jour elle vient en période de promotion et me demande, après m’avoir expliqué ce qu’elle aimait manger en général, je lui vendre 2 huiles. Non elle ne veut pas goûter.

Puis elle revient…une fois, deux fois. Demande à être servie par moi si nous sommes plusieurs en boutique. Un jour même, elle rentre en criant mon nom, toute contente. J’ai vraiment tiqué jusqu’à ce que je comprenne que mon prénom était inscrit sur ses tickets de caisse. Elle vient régulièrement, n’achète pas nécessairement mais discute. Il y a peu, je l’ai croisé au Monoprix du centre en faisant quelques courses et ça m’a beaucoup amusé « ohhhh sonia vous faites vos courses ici ». On aurait dit un fan qui rencontre une star, c’était trop mignon. Un jour aussi on avait les gens du siège qui étaient sur place pour une journée, ma responsable réseau s’approche d’elle pour la servir mais elle l’a gentiment repoussé « ah non, mon experte, c’est Sonia, elle connaît mes goûts je ne parle qu’avec elle ». C’est tout bête mais ça m’a fait un de ces bien (surtout avec tout ce qu’il se passait à l’époque dans la boîte, certains savent).

Ma mamy fauchée

Oui, ces gens fidèles sont en majorité des personnes âgées je dois l’avouer. Cette dame ne voulais pas acheter la première fois, trop cher. Elle est discrète et parle très bas. Elle se méfie des vendeurs qui se servent de sa timidité pour lui vendre ce dont elle n’a pas besoin. Alors je lui ai fais goûter des petites choses. Pas chères et sur lesquelles on fait peu de marge.

Et elle revient souvent. Acheter sa mini huile, sa mini tapenade, ses biscuits en promotion…et elle me flingue mon taux de panier moyen, oui. Mais je n’en fous. A chaque fois son sourire me fait la journée. Ce soir elle va manger un truc un peu original et ça lui apporte du plaisir, à moi aussi.

Ma dépressive

Elle c’est vraiment surprenant. Elle venait régulièrement acheter des biscuits sucrés. Beaucoup de biscuits sucrés, elle avait une grande famille, venait avec ses enfants et son mari et me prenait pour 70 euros de biscuits. Puis un vendredi soir avant la fermeture elle se plante devant moi, me dit que ça va pas. Elle a les larmes aux yeux. Son mari attend dans l’allée. Je me suis dis, mais pourquoi moi ? Elle m’a expliqué ce mal-être qui grandissait, ça m’a rappelé ma dépression post-partum. Je lui en ai parlé alors, elle m’a dit « vous ??? une dépression ?? », ça lui semblait inconcevable. Alors entre deux clients je lui ai fait part de ma maigre expérience, lui ai conseillé un psychiatre…je dois reconnaître que j’étais un peu agacée sur le coup car j’avais des clients, elle se mettait sur le côté en attendant que j’ai terminé et revenait, ça a duré environ 2h.

Puis elle est revenue environ 1 mois après, m’a dit que ça allait un peu mieux mais que c’était pas encore ça. Elle m’a parlé, de tout, de rien. Elle avait juste besoin d’être écoutée ça se sentait, son mari ne comprenait pas.

Et elle est revenue vendredi dernier, elle m’a dit que ça allait beaucoup mieux, qu’elle s’était mise à la gym et au yoga, que ça lui faisait du bien et qu’elle comprenait mieux pourquoi elle avait basculé comme ça. Evidemment sa guérison n’a rien à voir avec moi, mais si elle a pu se sentir moins seule 5 min, ça me va.

Mon fan de la Turquie

Ah celui-là…il rentre un jour. Demande à goûter une huile, aime mais me dit que c’est trop cher. Puis je ne saurais jamais pourquoi, il me demande si j’ai une origine étrangère. Je réponds, il me prend fait la bise. Par beaucoup d’autres ça m’aurait paru déplacé mais là non, c’était naturel, il était comme ça. Il s’est mis à me parler de la Turquie qu’il aimait beaucoup et où il avait vécu. Il m’a montré des clips de chanteurs turcs qu’il aimait, m’a demandé de lui parler de ma vison de la Turquie. On a philosophé, parlé géo et politique.

Puis il est revenu, plus intimiste…il m’a avoué qu’à 20 ans il était tombé amoureux d’un turc, très amoureux. Mais à cet époque (et même maintenant), l’homosexualité là-bas c’était impensable dans beaucoup de familles…il m’a parlé de cet amour d’une manière si belle, avant que ses yeux s’emplissent de larmes en m’avouant que ce jeune homme s’était suicidé après le rejet de ses parents. Il m’a dit « ça fait du bien d’en parler avec quelqu’un qui comprend ». Même si ce genre de phrase me fait plaisir, ça me sidère un peu. Comment sait-il que je comprend ?

Les autres

Il y a aussi cette dame aux cheveux blancs très classe qui passe toutes les semaines et avec qui on a développé un véritable échange. Il y a aussi ce mec de la sécurité qui s’arrête tous les jours pour discuter et me raconter les péripéties qu’il a vécues aux Etats-Unis (et qui vient justement de me saluer pendant que j’écris cet article).

Voilà, eux, je peux dire que ce sont MES clients. Car mes collègues n’ont pas développé ce type de relation privilégiée. Peut-être parce qu’ils restent peut-être plus dans la sphère de la vente pure, je ne sais pas. En même temps je n’ai pas le sentiment d’avoir cherché ces relations, elles sont venues à moi. Moi qui était très timide avant ce boulot, ça m’a tellement ouvert…permis de ne pas rougir quand je demande mon chemin, même si je reste une naïve qui se soigne. Ces gens là ce sont mes repères, ma petite bulle de bien-être dans un boulot qui ne me convient pas. Et je crois pouvoir dire qu’ils font parti de ce seul volet qui me manquera le jour où j’arrêterai…

Je ne sais pas si c’est le lot de toutes les boutiques, si c’est la vente qui fait ça. Après dans la mienne on a la chance et le malheur en même temps d’avoir très peu de clients et donc du temps pour nous occuper d’eux, ça joue évidemment.

Alors même si je sais qu’ils ne me liront jamais, merci à eux.

Maman en Chantier

Ps : je tiens juste à préciser, même si je ne ferai pas un article sur eux, qu’il y a aussi l’inverse. Les chieurs (voire méchants de base) qui le restent malgré la gentillesse et l’écoute dont tu souhaite faire preuve. Ceux qui te demandent pourquoi c’est si cher et te regardent avec un sourire de « cause toujours » quand tu leur explique. Ceux qui t’engueulent parce que tu ne connais pas tous les moulins d’huile du monde. Ceux qui t’engueulent parce que tu ne peux pas leur faire de réduction. Mais eux ne reviennent pas souvent heureusement, et ne méritent pas de rester dans mon esprit.

13 commentaires sur « Ces clients que je n’oublierai pas… »

  1. Je pense que tu es comme moi une personne qui attire les confidences. J’ai été cette cliente qui restait 2 h à la boulangerie pour papoter car une fois rentrée chez moi j’étais seule. Certaines personnes sont des rayons de soleil c’est vrai et nous le sommes aussi pour certaines !

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