Publié dans Vie de maman en construction

Cracher sur notre innocence

Vendredi soir, je me suis endormie devant le match de football, pendant lequel nous avions bien entendu des bruits en nous disant « c’est quoi ce bruit ? » mais sans imaginer l’explication qui serait donnée 1h plus tard… Malgré le sommeil, mon cerveau a capté un son inhabituel. Celui du générique du journal de TF1. Je suis naïve, donc j’ai même un temps voulu croire que nous avions fait un score exceptionnel et qu’il y avait un flash info. Je dis voulu croire car je savais bien qu’il n’en était rien.

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Je me souviens de ce 11 septembre 2001…la première fois que j’ai entendu ce générique retenir à un moment inhabituel. J’avais 11 ans. C’était ma première incursion dans l’horreur, celle qui peut nous atteindre dans notre quotidien. J’ai beaucoup pleuré, cauchemardé, et moi qui n’avais pas peur de l’avion ai développé depuis une angoisse forte lorsque des secousses se font ressentir. Mais c’était l’Amérique…ça restait loin de mon esprit et à l’époque c’est l’un des événements qui m’a donné envie de faire le métier que je fais aujourd’hui et que je ne dévoilerai pas vu qu’il s’agit d’un blog anonyme.

Mais vendredi, alors qu’à la télévision on annonçait à ce moment « seulement 18 morts », je me suis dis en une fraction de secondes que tout basculait, sans me douter que ce serait encore pire 1h plus tard. Certes, il y a eu Charlie Hebdo que j’avais déjà vécu de plein fouet, étant personnellement concernée dans ma profession, mais là on a dépassé le stade du professionnel. On rentre dans le véritable quotidien. Celui qui te donne envie d’aller boire un verre en terrasse, de te promener avec tes enfants…

Mon enfant. Être enceinte dans ce contexte, hormis les hormones, est particulier. Dévastateur pour ma part. Évidemment chacun réagit différemment. Moi, je réagis mal. J’ai la haine déjà, et surtout j’ai peur. Qu’on arrête pour le moment de nous sortir qu’il faut avancer, je rappelle que cela ne date même pas de 48h à l’heure où j’écris. On se précipite beaucoup trop dans la vie, on veut toujours aller bien en 5 minutes. A une amie qui quittait son ami avec qui elle était depuis 20 ans, certains ont dit au bout de 10 jours « oulà faut te ressaisir, hop hop ». Euh, les émotions c’est pas comme la touche Reset hein les gens. Donc non, je ne vais pas bien, je n’y peux rien et oui bébé le ressent et le corps le manifeste par des contractions assez violentes, c’est ainsi. Évidemment, avoir le papa du bébé confronté à tout ça au quotidien dans son job ne va pas aider à vite reprendre le dessus…Je vais trembler. En continu.

L’impression de m’être faite voler le reste d’innocence qu’il me restait, que tout ce qu’il y avait avant est remplacé maintenant par un fil ténu. Moi qui flippe depuis des années d’être trop angoissante pour mes enfants, trop sur eux…Jusque-là, je savais que j’avais réussi à préserver un peu de ma legerté. Elle reviendra peut-être…Je l’espère. Je l’espère pour nous tous, et pour toi mon bébé, qui va connaître un monde bien triste que ton arrière grand-mère redoutait tellement pour moi et ma mère et qu’elle était heureuse « de ne pas vous avoir légué ». Comme quoi il ne faut jamais s’avancer…

9 commentaires sur « Cracher sur notre innocence »

  1. Nous avons tous des manières différentes de nous reconstruire après une telle tragédie. Je t’envoie une cargaison de courage et d’ondes positives. Je suis enceinte aussi et c’est justement là que je peux puiser mes forces et mon optimisme (ma naïveté ?). Je refuse purement et simplement que ma fille grandisse dans un monde de terreur, notre foyer sera mon champ de bataille du bonheur. Je ne peux me résoudre qu’à aller de l’avant pour elle même si j’ai peur, même si 1000 questions ne cessent d’envahir mon esprit. Nos bébés méritent un monde meilleur. Bordel ! Pardon.

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    1. tu as tout à fait raison, c’est là dedans aussi que je puise actuellement et va nous permettre à tous de dépasser cela mais avec plus ou moins de temps selon les personnes. j’espère pouvoir retrouver grâce à cet enfant un petit bout de ma naïveté 🙂

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  2. Ma petite a 3 mois, et je passe tous les jours devant le café qui à été fusillé pour la déposer à la crèche, qui est à 100 mètres de là. Je suis la première à dire qu’il faut aller de l’avant et redonner vie à ce qui à été détruit, mais je suis d’accord : il faut du temps, du temps pour sortir la douleur et la tristesse, mais il faut la sortir et ne pas la garder pour soi. Je ne dis pas que c’est facile, moi il m’a fallu 4 jours pour me mettre à pleurer. Mais 4 jours pratiquement sans manger. On fait comme on peut.
    Quand je rentre et que je vais chercher ma petite grenouille ,qui pète et qui découvre sa voix en ce moment (tu vois ce que c’est le cri du cochon d’inde?) ben tout de suite, je me sens bien plus légère.

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    1. :):) ton commentaire me fait du bien…déjà que certains comme toi acceptent le fait qu’on ai besoin de temps…et le fait de penser à ton petit cochon d’inde :):) c’est eux aussi, quelque part, qui nous donnent la force d’avancer. de mon côté j’ai eu un rdv chez la gynéco et même si, de mon côté, il y a quelques soucis de santé, lui se porte comme un charme. alors rien que ça, ça m’a fait du bien. il faudra encore du temps (surtout si ça se reproduit) mais au moins nous saurons où puiser notre force 🙂 gros bisous

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  3. Coucou je suis tombé sur ton blog par hasard, et ton article me touche tellement. Etant actuellement enceinte, les hormones n’aidant pas, cette tragédie m’atteint au plus au point. Et quand j’essaye d’en parler j’ai l’impression de passer pour une folle car « je n’ai pas étais touché personnellement ni mes proches ». Je suis d’accord que je n’ai perdu personne… J’ai juste perdu le peu de sérénité qu’il me restait étant devenu une vraie parano depuis la grossesse (on dira encore merci aux hormones). Je n’arrête pas de me dire que ça peux arriver chez nous, c’est tellement courant d’aller au resto, boire un verre en terrasse. Et puis un jour ce sera dans un magasin, au cinéma, dans un hopital… J’essaye de vivre le plus normalement possible, en me mettant en tête de vivre au jour le jour et de ne pas penser au lendemain. Mais c’est très dure quand on sait qu’on va donner la vie dans ces conditions. Je pense à mon si petit bébé, si innocent, qui va naître dans un pays en guerre.. Qu’allons nous devenir? Et surtout qu’allons nous laisser à nos enfants?
    J’essaye de ne penser qu’au positif, mais le négatif revient souvent, et forcément ça cogite dans ma petite tête… Et je ne cesse de me demander dans quel état sera notre pays dans quelques années? Pourrons nous encore sortir avec nos enfants? Les emmener au cinéma? A Disney? Sans avoir peur de se prendre une bombe sur la tronche…
    En attendant de voir ce que l’on va devenir, je me crée, et je nous crée une petite bulle d’amour. J’ai décidé que mon fils sera dans une bulle remplis d’amour et de joie quand il sera à la maison.

    Encore une fois, très belle article! Gros bisous

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    1. Merci beaucoup et je t’envoie beaucoup de courage. en effet c’est exactement ce que je pense aussi, je me dis que mon enfance a été si…dorée. malgré les attentats de 95 dans le métro, mes parents m’ont toujours accompagné à Paris pour me montrer des choses, on est allé plusieurs fois à Disney…et puis mon papa est originaire d’un pays qui en ce moment ne va pas fort non plus 😦 moi qui y ai vécu mes plus beaux moments d’enfance, je pensais pouvoir y emmener les miens en vacances…mais non. ça me rend triste et j’ai peur…plein de bisous à toi

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